Comme souvent, je me réveillai avant que l’alarme ne retentisse. J’aimais rassembler mes affaires aux premières lueurs du jour et prendre la route lorsque le monde comme suspendu, était encore plongé dans un sommeil imperturbable. C’était mon plaisir secret.

Tom, leva une paupière au moment où je passai le pas de la porte.
Décidément, il était toujours disposé à veiller sur autrui.
Il me salua d’un « Take care of yourself and good luck on your big hikes. »
Un léger sourire illumina mon visage pâle du matin. Je trouvai son attitude touchante par sa sincérité.

Mon passage ici avait été d’un repos savoureux. C’est le coeur plein de joie que je déambulai dans les ruelles de ces maisonnettes de fortune, aux allures usées et bricolées. Je commençais à percevoir l’île autrement.

Chaque espace non entretenu, construit bancalement, où la nature reprenait ses droits, était vrai. Les habitants vivaient avec elle en symbiose. Ils ne la contrôlaient pas, ils ne cherchaient pas à la maîtriser.

Je comprenais que, tout comme leur façon d’assumer et d’exposer leur corps avec aisance, leur sens inné de la communication et leur cadence quotidienne décontractée, leur rapport à la vie était simple. Finalement, j’apprenais à aimer cette imperfection et à en apprécier ses spécificités.

C’est à Vega de San Matéo que cette raide mise en mouvement me conduisit : une charmante ville impeccable avec en son centre, la Plaza de la Solidaridad. D’ici, les transports en commun me mèneraient à Teror, réputée pour son charme architectural exceptionnel.

Je me dirigeais vers la station de bus, quand sans prévenir, une cohorte d’hommes en uniforme rouge vif surgit devant moi. Au dos de leur tenue, je distinguai inscrit en lettres majuscules jaune fluo : « BOMBEROS ».
L’origine latine du mot venait de « bomba », « la pompe », qui lui donnait le sens de « celui qui manie la pompe à incendie ».

Leur présence groupée était impressionnante et leur prestance intimidante. Coïncidence théâtrale : je me trouvais en parfaite synchronisation colorimétrique avec eux, mon T-shirt arborant le même rouge éclatant et intense. Involontairement associée comme une impostrice, c’est embarrassée que le pourpre me montait aux joues.

Cette rencontre hasardeuse, qui me sembla durer une éternité, résonna comme un signe me rappelant la proposition d’engagement comme pompier volontaire que l’on m’avait faite deux semaines auparavant.

C’est troublée par cette indécision que je sautai dans le bus, laissant derrière moi les portes se refermer, soulagée que cette tension s’évanouisse.