L’atterrissage de mon nuage fut abrupt.
À peine sortie de l’aéroport, la chaleur étouffante me saisit. Je commençais seulement à m’éloigner, lorsque le paysage se changea en un champ de ruines.
La terre noire arride suppliait le ciel, aucun signe de vie n’apparut, même les cactus avaient triste mine, se voûtant en espérant la pluie. Le sol était jonché de déchets et de plastiques en tout genre éparpillés.
Tout était abandonné, vide, en déperdition. J’avais l’impression de traverser les parcelles en friche d’une guerre ayant sévi, entre décombres et habitations désertées.
Je regrettai ma volonté solidement ancrée, de marcher à tout prix.
Ce n’était pas la première fois que cette situation m’arrivait. J’avais la forte sensation d’être l’unique à vivre cette précarité lors de mes vacances. Comment pouvais-je me retrouver, si vite, perdue au milieu de nulle part, dans un environnement insalubre. Les seuls résistants à cette sécheresse étaient les parc éoliens, de panneaux photovoltaïques et les kilomètres de plantations de bananes abrités par d’immenses serres en toiles à moitié déchirées et décomposées.
Je repensais à toutes ces filles renvoyant une apparence parfaite sur les réseaux, postant leurs vacances de rêves.
Par contraste, mon goût pour l’aventure sans artifices, emportant le strict minimum avec moi, me rendait-il moins féminine ? Rien qu’à cette pensée, je me sentais garçon manqué.
Était-ce mon désir de vivre intensément qui débordait des bonnes manières ? Je constatais que cette perception d’être « trop » me revenait souvent. Trop entreprenante, trop ambitieuse, trop indépendante, trop dans l’analyse, trop joyeuse, trop sensible… Ce ressenti si désolant de déranger par qui l’on est. Une vague de déception déferla en moi, me laissant une écume amer en bouche. Heureusement, la rebelle ne tarda pas à émerger. Comment puis-je me condamner ainsi !
Depuis petite, il en avait toujours été ainsi. Je plaidais contre les injustices pour faire valoir la vérité. Je cherchais avec perspicacité les faits concrets comme une enquêtrice de renommée. Hors de question d’octroyer la parole à des témoins, leurs propos subjectifs risquaient de déformer et d’entacher la réalité.
Ma façon de vivre allait dans cette continuité. Tout comme je rejetais, les flatteries, les dissimulations, les mensonges, les sournoiseries, les fausses attentions, je déclinais le superficiel et l’illusion donnés aux touristes d’une destination parfaite.
Je refusais catégoriquement ce mirage d’une authenticité fabriquée sans profondeur. Je voulais voir le vrai, être éveillée à la réalité du terrain, ressentir la vie des habitants, loin du déni vendu sur les cartes postales.
Ces premiers pas me mettaient à l’épreuve. Qu’allais-je découvrir pendant ces neuf prochains jours ?