La nuit avait été un tourbillon inconfortable de bruits stridents, de mouvements intempestifs et de réveils récurrents.

L’unique bénéfice résidait dans ma préparation matinale anticipée en raison d’un lever déclenché par une conversation bruyante de rue, juste sous la fenêtre entre ouverte.

Je ramassais avec application mon linge sec, étendu la veille. Prendre le ferry si tôt était-il de bon augure ?
L’atmosphère était empreinte de quiétude, je me persuadai que tout se déroulerait à merveille.

C’est légère que je me dirigeais vers le quai, d’un enthousiasme sautillant.
J’adorais prendre le bateau ce qui était synonyme de rareté et d’aventure exceptionnelle.

Je m’apprêtais à pénétrer dans le ferry, lorsqu’un bus de ce rouge flamboyant transportant des hommes en uniforme arriva simultanément.
Était-ce une ironie du sort ?
Cette troisième rencontre infortuite, trois jours consécutifs, me laissa plus que perplexe.

Leurs tenues officielles portaient le cygle UME, « Unitad Militar de Emergencia ».
Ces hommes avaient pour mission de lutter contre les incendies de forêts et de secourir en cas d’inondations, de séismes ou de tempêtes. Ils soutenaient l’aide humanitaire au besoin.

Forte de constater la puissance de ces conjonctures hasardeuses, j’actai, d’une concertation intime inviolable, comme d’un commun accord personnel, mon engagement auprès des pompiers.

Dès mon retour, je m’atêlerai à valider les examens médicaux impératifs pour attester d’un état de santé conforme aux exigences du terrain.

Ils consistaient en une prise de sang, une radiographie pulmonaire, une injection-test à la tuberculose ainsi qu’une vaccination à jour contre le tétanos et l’hépatite B.

Relativement aux épreuves sportives, j’étais confortable quant à la réussite du Luc Léger. Toutefois, je ne bénéficierais que de neuf jours condensés pour préparer le reste de mon corps aux exercices de force.

L’entraînement risquait d’être intensif.
Pompes, soulevés de terre, dips sur chaise… il me faudra être efficace et régulière.

Pourtant, je craignais que renouer avec ce chapitre récemment réinventé, plus solitaire, ne me pèse plus qu’il ne me hisse. Il est vrai que j’étais vive, que j’adorais taquiner, rire, câliner.

Bien que très indépendante, ces soirées sans présence, inlassablement répétées, en devenaient lassantes.
Progressivement, ce cycle érodait ma motivation.

Je ne demandais qu’à sentir la chaleur de la vie s’animer de nouveau en moi. Tisser des relations sincères et nourrissantes prendrait du temps.

Pour ce qui était du niveau attendu en mathématiques, français ainsi que les mises en situation de progresison en hauteur et dans l’obscurité, ce serait une surprise soigneusement gardée jusqu’au jour J.

Ce projet sucitait ma curiosité car il était vecteur d’apprentissages dans un domaine que je méconnaissais. J’ignorais si je parviendrai à être à la hauteur.

Afin d’assurer ma certitude et d’éclairer ma prise de décision, je contactais Émile, pompiers depuis plus de 10 ans. Nous nous étions perdus de vue mais nos caractères engagés nous rapprochaient, toujours disposés à être présents pour l’autre.

Il m’apprit que lors des interventions, les informations détenues étaient équivalentes à seulement un tiers de la réalité scénique. Les imprévus étaient monnaie courante. Il fallait donc constamment s’adapter.

Se dissocier pour agir judicieusement était primordiale pour mener au mieux les situations de crise.
Ce que j’appréhendais par dessus tout, c’était d’être confrontée à une violence extrême inenvisageable.

Je connaissais mon degré d’empathie et ma tendance aux insomnies face aux chocs traumatiques. Me mettais-je en danger en voulant aider autrui ? Serais-je en mesure de garder la tête haute dans mon devoir ? Je ne pouvais le savoir avant d’avoir essayé.

Bien que je partais de zéro, mon mode « resolving challenge » était activé et j’étais prête à m’en donner les moyens.
C’était une ambition élevée supplémentaire, dans laquelle je m’investirai pour le bien collectif, motrice d’une fraîcheur renouvelée dans ma détermination.

Me sentir m’élever était la raison principale de mon implication. Plus j’intégrais des défis d’envergure, plus je me sentais vivante. En bon signe de Terre, travailler dur faisait partie intégrante de mon état d’esprit et je ne savais m’en défaire.

Ce pacte scellé, je me levai d’un bon de mon fauteuil en similicuir pour m’eloigner de cette troupe honorable qui s’était assise en m’encerclant. C’est à toute vitesse que je regagnai le pont arrière en pleine air.

Être passivement assise ne me ressemblait pas. J’avais besoin comme toujours d’être dehors.
Le vent froid disséminant les cristaux salés sur les parois de la coque fouettait mes cheveux détachés.

Nous étions seulement trois courageux à faire face aux bourrasques marines. Je ne savais où me mènerait ce cheminement mais c’est avec confiance que j’étais prête à le découvrir.

En route mon capitaine !
Cap sur notre destinée !